Survivre au «rais»
(En argot tunisien, «rais» signifie le capitaine de navire et, par extension, celui qui conduit les traversées clandestines. Ici, il fait également référence au president du pays Kais Saied)
« Dites à votre président de nous laisser passer. On ne veut pas rester en Tunisie. On n’est pas là pour prendre votre travail, votre femme ou faire le bordel. On nous traite comme des chiens, pas comme des êtres humains », interpelle Mohamed, 25 ans, guinéen (3ème personne au deuxième rang depuis la gauche).
Comme Mohamed, ils sont plus d’une centaine de migrants subsahariens (originaires du Ghana, du Sénégal, du Nigeria ou encore du Soudan) à vivre dans le camp non officiel de Jebeniana, à 30 kilomètres de Sfax, épicentre des départs de la Tunisie vers l’Italie en 2023.
Avec 79.905 départs interceptés – dont 70% de subsahariens – par la garde nationale en 2023, c’est bien là une année record. Le pays a été traversé par des tensions et des violences sans précédent à l’encontre des migrants subsahariens depuis le discours du président Kais Saied en février dernier, fustigeant l’immigration clandestine.
Depuis lors, de nombreux exilés sont piégés dans les zones de départ, majoritairement à Sfax, ville au cœur de l’actualité depuis que ses champs d’oliviers sont devenus le refuge de milliers de Subsahariens. D’autres ont été envoyés par les autorités tunisiennes dans des zones désertiques libyenne et algérienne sans eau, nourriture ou abri. Ils font aujourd’hui partie des disparus de la Tunisie.