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  • « Du ventre de la souffrance naît l’activisme. Regardez-moi, regardez-nous. Le silence de nos enfants pèse, le silence de l’État nous écrase. Portez nos voix à travers la mer. » 

    Layla Akik, maman de Youssef Saidana, disparu le 31 juillet 2020. Dans son dernier appel téléphonique, Youssef était à 20 kilomètres de l’Italie.
    « Je peux voir l’île de Pantelleria, maman. »

  • بلادنا احتقرتنا و على الهجرة أجبرتنا و للموت بعثتنا أحياء لم تحترمنا هويتنا و عزتنا في بلاد الأجانب تخلت عنا في البحر دفنتنا سامحيني امي سامحيني على ما سببته لك من وجع الفراق و الم الاشتياق لم تفرحي برامي عريسا و لم تورينا الشر مثل كل الناس سامحيني امي انا اتالم بشدة كنت اريد ان ادخل على قلبك الفرحة و اعينك على حمل الحياة كنت أتمنى أن اعوضك عن تعبك و شقائك و لكن في بلادنا لم نتمكن من تحقيق احلامنا . قررت الرحيل حتى احسن مستوى معيشتي و اتزوج مثل  اندادي و اكون عائلة وانجب اطفال و لكني جائني الموت و أخذي مع امواج البحر دفنتني و يا أمي العزيزة وصية لا تنساني و تخيليني في كل شاب و صبية و كوني مناضلة في هذه القضية حتى تتحقق العدالة و المساواة و الحرية للاجيال القادمة و تصبح حقوق كل البشر متساوية و محفوظة اوصيك يا ابي ان تعتني بأمي الحنينه علينا تركتها أمانة  تكفلها انت و اخواني الاعزاء عليا . في النهاية ألقي التحية على تونس و اقول لها  إني احبها مهما تعذبت و صار فيا .

  • Souad Ben Sassi, maman de Badreddine Msalmi, disparu le 14 mars 2011. « Maman courage » pilier de l’Association La Terre pour tous , elle voyagera aux quatre coins du monde, portrait de Bader levé au ciel à la recherche de son fils. Après 12 ans de recherche sans relâche, les doutes surgissent malgré l’espoir de retrouver Bader.

  • بدر يا غالي من يوم رحلت . و انا في انتضارك منسيتكش و مش بش ننساك. من بعد ما البحر مني خذاك خلاني حايره . حزينه . كبدي مشويه . بدر يا غالي عليا روحي بعدك هانت عليا . و مازلت مستنيه بدر . كيفاش نساني مشا و خلاني
    خلاني في حزن و مراره مراره البعد نعاني للأسف اكتب هذه الرسالة و اقول امك تحبك برشا

    رسالة الى ابني عبر البحر

    Mon cher Badr,
    Après que la mer ait attrapé ton corps, je reste triste. Mon foie et ma foi ne cessent de brûler*
    Mon âme ne vaut plus rien.
    Je me demande : Où est Bader ? Comment es-tu parti ? Comment as-tu pu me laisser endurer cette souffrance ?

    Lettre à mon fils qui perce la mer.

  • Dalila, l’épouse de Basset Hamdi, disparu le 6 septembre 2012. Dalila est une figure clé de l’association La Terre Pour Tous. Depuis plus de dix ans, elle élève seule ses trois enfants. En tant que mère célibataire dont le mari n’est pas décédé, elle est dans fl’incapacité juridique d’accéder aux aides, de se reconstruire et de prendre des décisions. Son appel : un certificat de disparition reconnaissant la réalité des Harragas disparus en mer.

  •  » Tu nous as laissés seuls… J’ai peur parce que Yassine, ton fils, veut faire la traversée comme toi. Mais je ne vais pas le laisser faire. Je prie Dieu de me donner la force ».

    Basset Hamdi est le grand amour de la jeune femme, un mari qu’elle a épousé de son plein gré. Ils se sont mariés contre la volonté de ses parents. Dalila subvient à ses besoins en travaillant occasionnellement (nettoyage de maisons et application de henné pour les mariages). Dalila vit dans un vide perpétuel, dans une sorte de mariage fictif.

  • Portrait de famille de Skander Othmani, disparu le 20 septembre 2020. Sa maman, Mongia, le recherche inlassablement.
    « Nous avons tout fait – plaintes, avocats, recherches, contacts avec les autorités. C’est comme si Skander n’avait jamais existé. Parfois, j’en doute moi-même – si je n’avais pas vu des photos de lui sur ce bateau, je penserais qu’il n’est jamais parti ».
    Depuis le départ de son fils, Mongia porte le deuil impossible, vêtue de noir. Les jeunes enfants portent eux l’espoir de retrouver frère et la mère qu’ils connaissent.

  • Monjia m’a remis une clé USB qui contient toutes les recherches effectuées pour retrouver son fils. Dedans: des vidéos en mer de Skander, des photos dans un centre de détention en Italie, des selfies entre amis, et le profil Facebook du capitaine « le Rais » du bateau. Tous ces efforts pour le retrouver sont tombés faute d’écoute et de comprehension. Face à ce vide, elle imagine les pires scénarios possibles:


    « Je l’imagine vivant, je l’imagine mort, je l’imagine mangé par des poissons, je l’imagine dans une montagne, je l’imagine mort, je l’imagine mort. Je l’imagine dans une montagne, je l’imagine en prison, je l’imagine torturé, je l’imagine chez les gens… ».

  • Visite à la famille de Bader Eddine Hssine dans leur salon, accompagnée de Wael Garnaouia, un psychanalyste et spécialiste des migrations irrégulières des Tunisiens dans le cadre du projet « polysémie du silence » dont la web fait aussi partie. 

    Le 27 juillet 2022, Bader, leur fils, et 4 amis sont partis en kayak pour l’Europe. Depuis lors, aucune nouvelle n’a été reçue. La conversation a été filmée :

    Leila Salah : ‘Vous voulez savoir quel jour je vais me rappeler pour le reste de ma vie ? C’est le jour où mon fils m’appellera pour dire, ‘Allo, Maman !’, comme il le faisait quand il travaillait à l’usine avant de rentrer à la maison. Il répétait ‘Badr ! Badr !’ deux fois. Toujours. Je veux juste entendre sa voix même au téléphone ! Je veux juste savoir si mon fils est en vie. Je n’ai besoin de rien d’autre. Pas d’argent, rien. Je vous jure… Dites-moi des mensonges. J’ai besoin qu’on me mente, même si au fond de moi, je sais que ce n’est pas vrai… J’ai besoin de croire à ce mensonge. C’est mon refuge, mon remède.’ Wael Garnaoui : Je compatis. Rien n’est plus difficile que ce que vous traversez. C’est parce que vous n’avez pas vécu les choses comme elles sont censées être. Quand une personne perd un être cher – et j’espère sincèrement que Badr n’est pas mort – 
    Belgacem Hssine : INSHALLAH
    Wael Garnaoui : … Il passe par différentes étapes. Au début, il y a le choc, bien sûr. On se demande pourquoi cette tragédie nous est arrivée. Ensuite, la tristesse nous submerge. Enfin, nous (l’enterrons). C’est là que la vie reprend son cours. Dans votre cas, vous vivez toujours cet état initial de choc…
    Belgacem Hssine : Exactement. »

  • Le 13 octobre 2023, les espoirs de Leila sont balayés. Les 4 amis avec qui Badr était parti, reviennent à Enfidha. Ils étaient emprisonnés sans le droit de pouvoir communiquer. Ils raconteront à Leila que les deux kayaks ont chaviré. La police avait intercepté les 4 amis, laissant Bader gisant dans l’eau.
    Au manque d’opérations de sauvetage s’ajoute un manque de volonté. Le sauvetage en mer est un devoir moral autant qu’une obligation légale, encadrée et organisée.

    Cette plateforme participative est imaginée pour recueillir les récits que les familles des disparu.e.s de la Tunisie ont choisi de partager librement. Elle n’est pas une simple base de données. Elle se veut une zone d’action où vous pouvez commémorer vos proches, mettre leurs vies et leurs noms en lumière et militer librement. Cette plateforme est dédiée à toutes les personnes qui refusent d’oublier leurs proches parti.e.s et qui résistent à la violence des politiques migratoires européennes.

    Aux familles des disparu.e.s, nous répétons : Prenez cet espace, c’est le vôtre. Il prend vie lorsque vous l’investissez. Les mots comme réponse aux maux.

    Bouteilles à la mer ne respire que par l’interconnexion des familles, des associations locales engagées dans la lutte pour la dignité des personnes, et des militant.e.s d’ici et d’ailleurs.